On le disait chez moi pour toutes les choses de la vie heureuses, éprouvées, empêchées
C’était le mektoub…
Enfant, ce mot me faisait peur. L’idée que tout soit écrit d’avance était en soi une forme d’acceptation, de résignation quand le mektoub se riait de nous.
Il était l’explication à tout…Un mot pour soulager les maux d’une vie…Une réponse pour
l’inacceptable…
Maintes fois j’ai dit non au mektoub de ma culture. Je voulais être comme le marin qui ne peut décider d’où souffle le vent mais qui est capable d’orienter sa propre voile pour arriver à bon port.
C’est ainsi qu’un matin, je me surprends à le prononcer ce mot envoyé aux oubliettes.
Ce n’est pas mon mektoub…Ai-je répondu !
En tête-à-tête …
Mektoub, pourquoi as-tu frappé à ma porte...
Alors que j’avais rendez-vous avec ma ville là-bas.
Depuis des mois se préparaient nos retrouvailles
Et chaque jour qui s’éteignait me rapprocher d’elle.
Je voulais m’enivrer à nouveau des parfums d’oranger
Soufflés par le vent dans ses rues étroites et tièdes
Et pénétrer tous les secrets de ses murs blancs chaulés
Je voulais cueillir les sourires de ma ville là-bas
Et écouter ces mots si lointains mais si familiers
Salam, sbah al kheir, Marhaba bik ya Lella…
Je voulais refaire le chemin à l’envers,
Et redevenir la petite fille insouciante, légère
Courant sur le sable chaud à perdre haleine
Je voulais me rassasier au miel de tes beignets
Et garder ce goût sucré comme un premier baiser
Doux, gourmand souvenir des bonbons d’enfant
Je voulais oublier toutes ces heures, ces années
Où nous étions séparés et comme une amante
Profiter de chaque instant passionnément
Je voulais m’imprégner de ta mer, de tes bleus
Et voir l’écume ensablée s’échouant sur ton rivage
De la plus belle des plages de ma ville là-bas…
Alors, apaisée un peu… J’aurais pu m’éloigner
Tout doucement les yeux pleins de couleurs…
Mektoub ou pas, j'ai suivi l' autre chemin ailleurs...